Déresponsabilisation, le Bracassage en toute Impunité
La déresponsabilisation permet et même favorise le Bracassage, soit la nuisance aux intérêts de l'entreprise par les Bras Cassés.
Et oui, car en instaurant l'impunité et en démotivant ceux qui pourraient agir, la situation se dégrade et peut devenir insensée.
A la base, si personne ne se sent responsable, personne n'a la motivation pour agir, et même ceux qui ont l'autorité n'ont pas de raison d'agir. Du coup, les nuisances et les problèmes n'ont pas de conséquence dans le périmètre concerné, et personne n'agit pour les neutraliser.
Lorsque l’on constate un tel dysfonctionnement dans l’organisation du travail, la motivation des individus chute directement, et les actions correctives n'ont plus lieu. La trajectoire est donc chaotique (voire directement toxique selon la motivation des Bras Cassés en action), et le modèle opérant effectif ne permet plus à l’entreprise de servir ses intérêts. Les meilleurs employés fuient (Fuite des Stars), les plus motivés perdent rapidement leur motivation ("à quoi bon", les résultats aléatoires tuent l'implication). Si la déresponsabilisation affecte aussi les fonctions de contrôle de l'entreprise (contrôle de gestion, système qualité, instances de direction, contrôle interne...), lorsqu'on se tourne naturellement vers ces fonctions on découvre en outre avec horreur qu’aucun acteur ayant l'autorité suffisante ne se considère comme responsable de l’organisation. La capacité d'auto correction est alors neutralisée, le Bracassage peut se développer.
Analyse
Si l’on reprend la définition donnée par Arnaud OLIERIC dans son article « Et si vous arrêtiez de travailler avec les bras-cassés ? » : "un Bras Cassé est quelqu’un qui, dans un poste donné, nuit en pratique aux intérêts de son employeur, pour un ensemble de raisons incluant défaut de compétences, de motivation ou incapacité à surmonter les difficultés posées par le contexte professionnel". L'auteur définit l'impunité comme le critère permettant le Bracassage, et comme la déresponsabilisation génère une impunité sur tout un périmètre, celle-ci favorise énormément la nuisance.
Dans une organisation saine, la détection des Bras Cassés et de leurs actes contre-productifs est de la responsabilité de la RH et des managers qui sont en charge de la gestion et de l’encadrement des ressources. Avec une véritable réponse à ce niveau, la nuisance peut alors être limitée, au pire en réaffectant la personne concernée à un poste correspondant plus à ses aptitudes et compétences. Les entités de contrôle et les systèmes de pilotage sont censées être une sécurité supplémentaire. Mais dans une organisation déresponsabilisée, la confusion ou le défaut de motivation des personnes qui devraient agir engendre une absence de conséquences et donc une impunité.
Dans les organisations contaminées par le Bracassage, on observe généralement un désengagement de la RH auprès des employés, au profit de tâches administratives donnant l'apparence d'un travail RH ou de reportings, ainsi que des managers, qui trouvent plus valorisant de s’occuper de leur ligne hiérarchique plutôt que de leurs collaborateurs. Ceci dit, tout défaut de responsabilité (y compris les périmètres non couverts) ou de motivation de ceux qui devraient agir va suffire à donner l'impunité, de même qu'un défaut d'autorité du périmètre qui devrait agir (contrôle de gestion inopérant, RH impuissant...).
Pour le coup, dans un périmètre déresponsabilisé, tant que les Bras Cassés ne font pas trop de vagues ou ne nuisent pas aux ambitions de leur manager, ils peuvent continuer à œuvrer en toute impunité, et à nuire au travail de leurs collègues et aux intérêts de l'entreprise (ou de n'importe qui potentiellement), sans recours possible puisque RH, manager et entités de contrôle ne sont apparemment pas concernés.
Dans un contexte déresponsabilisé, même une personne compétente et motivée se retrouve dans l’incapacité de faire son travail correctement et peut devenir un Bras Cassé à son tour (conduite par la démotivation ou le contexte).
Rappelons que donner l'autorité et la responsabilité suffisantes incombe au dirigeant du périmètre concerné, et que c'est bien là l'origine du problème.
Stratégie
La déresponsabilisation peut être ponctuelle ou plus profonde, culturelle.
Dans tous les cas elle s'arrête là où commence la peur des conséquences.
C'est en travaillant sur l'Anticipation Plaisir-Douleur des personnes concernées que vous allez pouvoir changer leur comportement.
Si c'est ponctuel, récent, il suffit simplement de travailler à leur faire changer de perspective. Si c'est plus profond ou plus généralisé, vous ne changerez les priorités ancrées qu'en les remplaçant par d'autres priorités associées à une évaluation émotionnelle supérieure (à vous de trouver lesquelles), soit par une influence forte directement, soit en cumulant les changements jusqu'à ce qu'ils dépassent la propension précédente à la déresponsabilisation.
Les outils d'influence, de clarification sont particulièrement utiles s'ils sont déployés intelligemment et avec une autorité suffisante :
- Les clarifications du Modèle Opérant, en particulier les RACI (avec un seul nom dans la case "redevable", celui d'une personne qui a aussi l'autorité suffisante), la modélisation des processus ou des services, et les cartes des Rôles et Responsabilités
- Les fiches de postes bien faites
- Des politiques responsabilisantes pour les objectifs
- Le déploiement clair et net de conséquences pour les irresponsables
- Les programmes d'optimisation
- Les renforcements culturels autour de l'efficience et de l'excellence, de la valeur ajoutée ; et la neutralisation sans pitité de la culture politique du "pas de vagues" et de la médiocrité
- Les révisions des systèmes de contrôle dans une optique de les rendre opérants et effectifs
- Les audits de nuisances et ceux des coûts invisibles
- La responsabilisation au résultat ET à l'efficience de la chaîne hiérarchique, et si possible la responsabilisation et l'implication des RH
Pour en savoir plus
- L'anticipation Plaisir Douleur d'Arnaud OLIERIC
- Switch, livre des frères Heath sur les changements réussis